Pour Bernd Merz, de BG BAU, il est important de se concentrer sur les « règles vitales »
Date de mise à jour : 3 mai 2023
- BG BAU propose des services de prévention et a un rôle normatif et d'inspection.
- Il déploie
un programme de prévention : « Construisez sur la sécurité–Construisez sur vous-même ».

©Jan-Peter Schulz/BG BAU
Le BTP en est conscient : ses salariés intérimaires restent deux fois plus exposés aux risques d’accidents graves et mortels que les autres salariés. Quelles solutions trouver ? Martial Barbarou, directeur prévention des activités bâtiment et génie civil de Vinci Construction France, fait partie des acteurs qui participent, avec l’OPPBTP, à une étude-action sur ce sujet. Il livre quelques pistes d’action possibles, testées en grandeur nature sur ses chantiers.
Vous participez, avec Adecco, l’Anact, l’Aract Grand-Est et l’OPPBTP, à une étude-action sur le développement de l’efficience de l’acte d’intérim. Quel est son objectif et pourquoi vous êtes-vous impliqué sur le sujet ?
La proposition de l’OPPBTP de participer à cette étude a coïncidé avec le moment où nous menions notre propre analyse de l’accidentologie des salariés intérimaires chez Vinci Construction. Nous cherchions à comprendre pourquoi elle était deux fois plus importante que celle de nos permanents. Plusieurs éléments nous ont plu dans cette démarche. Elle a l’ambition, au-delà des comportements des individus, d’analyser la complexité de la relation tripartite entre l’entreprise de travail temporaire (ETT), l’entreprise utilisatrice et l’intérimaire. Avec Adecco, nous contribuons à son financement et nous mettons à disposition des terrains d’observation pour le diagnostic. De plus, des actions concrètes sont testées sur nos chantiers. Enfin, l’objectif est de partager les résultats à la branche du BTP afin d’éviter les accidents.
Quelles ont été les premières étapes de cette étude-action sur l’intérim, et où en êtes-vous aujourd’hui ?
Nous avons commencé les travaux en mars 2020, en plein Covid ! Mais les premières étapes consistaient en l’analyse de documents et données statistiques. En octobre 2020, nous avons pu lancer les entretiens et les observations. Aujourd’hui, nous avons fini la phase de diagnostic et nous mettons en test des solutions. Reste encore un groupe de travail sur l’intégration et l’accueil sur chantier, et les travaux doivent se conclure en 2023. La méthode utilisée est excellente. Chaque travailleur apprécie d'être écouté et que l’on passe du temps à observer son travail. Tous ont compris que l’objectif était d’améliorer leur travail quotidien et d’éviter les accidents. La relation tripartie entre entreprise utilisatrice, entreprise de travail temporaire et intérimaire est complexe, et tout est lié. C’est le cumul de nombreuses petites actions qui permettra de maîtriser les risques et de diminuer les accidents graves. De l’amont à l’aval de la mission.
Quels sont les enseignements du diagnostic ?
Le diagnostic a permis d’identifier les freins au bon déroulement de la mission d’intérim. Dès la phase amont, qui est cruciale, trois enjeux font que la recherche de mission ne se fait pas toujours en bonne adéquation avec le profil demandé par l’entreprise. Deux types de demandes existent. La première, quand nous avons besoin de compétences spécifiques, est souvent anticipable. Mais la plupart des recrutements sont réalisés en urgence pour des absences non prévues. Deuxième obstacle, la relation commerciale fait que lorsqu’elle reçoit la demande, l’ETT veut y répondre pour son intérêt économique. Enfin, la précarité de l’emploi du salarié intérimaire fait qu’il a besoin de travailler et qu’il fera tout pour remplir les conditions, y compris, par exemple, cacher certaines douleurs ou prendre des risques. In fine, sur le terrain, on se retrouve à gérer des difficultés d’inadéquation du profil et les équipes de chantier s’adaptent… Mais ce n’est pas une situation idéale, ni pour la qualité du travail, ni pour la sécurité.
Comment sécuriser davantage la mission d’intérim en amont ?
Nous avons profité du renouvellement de l’accord-cadre de Vinci Construction sur l’intérim pour lancer des actions sur ce sujet. C’est le cas par exemple de la formation des recruteurs des ETT au monde du BTP. Mais surtout, nous organisons la création d’un partenariat avec un pôle restreint d’ETT, afin d’être plus efficaces pour monter avec elles les actions décidées. Nous avons sélectionné ces ETT en fonction de leurs résultats sécurité, ce qui valorise leurs efforts sur le sujet, en leur donnant en contrepartie la garantie d’un chiffre d’affaires. C’est un partenariat gagnant-gagnant.
Vous êtes également en train de mettre en place un référentiel simplifié de compétences…
En effet, ce référentiel partagé avec l’agence d’intérim permettra au chef de chantier qui l’appelle de lui préciser, au-delà d’une qualification professionnelle, des compétences précises. On peut ainsi identifier si l’intérimaire doit être autonome ou pas sur certaines tâches, s’il doit disposer d’un CACES®, par exemple. Cela clarifie le besoin du chef de chantier, alors que tout le monde ne mettait pas les mêmes compétences derrière une qualification. Autre intérêt, ce référentiel pourrait être utilisé comme un outil d’évaluation à la fin de la mission pour
réaliser un bilan avec l’ETT et affiner les prochains besoins.
C’est le cumul de nombreuses petites actions qui permettra de maîtriser les risques et de diminuer les accidents graves chez les intérimaires.
Quelles sont les pistes retenues par l’étude-action s’agissant de la phase d’accueil et d’intégration des intérimaires ?
Chez Vinci Construction, nous n'avons jamais fait la différence avec nos collaborateurs permanents. Mais nous nous sommes rendu compte que si l’intégration a lieu en cours d’activité, les modes opératoires qui avaient été présentés à l'équipe qu'il intègre avant son arrivée ne sont pas toujours présentés aux intérimaires. Nous avons décidé de mettre en place un process pour leur faire un feedback en complément de l’accueil. Un grand tableau de pilotage dans la base vie de chantier permet de visualiser tous les modes opératoires et tous les collaborateurs, et d’identifier quel mode opératoire a été montré à tel collaborateur. C’est simple à mettre en œuvre, visuel et cela améliore la production en sécurité. Nous l’avons essayé dans différentes régions, et nous allons le généraliser. Nous avons prévu aussi de le déployer pour nos collaborateurs permanents arrivant dans une nouvelle équipe.
En matière de formation des intérimaires, quels progrès peuvent être faits ?
Vinci Construction est très proactif sur ce sujet. C’est d’ailleurs sa filiale Sud-Est qui est à l’origine du passeport sécurité intérim (Pasi) en 2014, puis la profession, sous l’impulsion d’EGF-BTP et de l’OPPBTP, a repris l’idée à plus grande échelle. Sur deux jours, les collaborateurs intérimaires sont initiés aux principaux risques du BTP. Même si cette formation ne règle pas tout, elle fait diminuer l’accidentologie de 40 %. Notre contrat-cadre sur l’intérim l’exige. De plus, notre organisme de formation interne, Cesame, propose aux ETT et aux intérimaires des formations techniques ou sécurité. Ces éléments pourront être partagés dans une réunion périodique organisée au moins une fois par an sur notre fonctionnement avec l’ETT. Nous pourrons également tirer les enseignements de l’analyse des événements s’étant produits sur le chantier. C’est aussi un bon moyen d’enrichir la formation ultérieure des intérimaires.
En France métropolitaine, Vinci Construction s’appuie sur un réseau de filiales de proximité pour concevoir, financer, réaliser et maintenir tout projet de construction dans les métiers du bâtiment, du génie civil, de la route et des réseaux. Présentes dans toutes les régions, les entreprises de proximité de Vinci Construction mobilisent les ressources de 43 000 collaborateurs.
Elles ont comme ambition le « zéro accident ». Pour les activités Bâtiment et Génie Civil, de nombreuses initiatives sont menées pour supprimer les risques sur les chantiers (préparation, organisation, technique) et instituer une véritable culture prévention.
Autre piste de progrès : vous avez décidé de limiter le recours à l’acte d’intérim.
C’est une décision organisationnelle. Nous accueillons en moyenne 15 % d’intérimaires sur nos chantiers, mais il existe une grande disparité de leur répartition. On a des compagnons intérimaires de grande qualité, néanmoins quand 80 % des effectifs ne se connaissent pas, le collectif fonctionne difficilement. Nous avons donc essayé de limiter la part d’intérimaires à 30 % sur un chantier. L’idée est de donner des indicateurs aux managers pour qu’ils s’interrogent sur des mesures organisationnelles à mettre en œuvre lorsqu’ils atteignent ce niveau.
Vos travaux sur l’efficience de l’acte d’intérim vont-ils comporter des éléments spécifiques aux TPE et PME ?
Le diagnostic n’a pas permis, à date, de travailler sur ces tailles d’entreprise, c’est une limite de notre exercice. Mais la campagne de communication de l’OPPBTP, qui démarre ce mois de novembre, est justement l’occasion d’échanger avec ces structures et de mettre en avant des solutions pour les accompagner sur ce sujet.
L'assurance sociale allemande contre les accidents, obligatoire, est une partie spécifique du système allemand d'assurance sociale. Le concept a été inventé par Otto von Bismarck en 1885. Avec la santé légale, les pensions de retraite, les soins infirmiers et l'assurance-chômage, il constitue la base de la sécurité sociale en Allemagne. Elle couvre plus de 76 millions de personnes contre les conséquences
des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Elle assume la responsabilité au nom des employeurs pour les accidents du travail et
les maladies professionnelles de leurs employés. Elle prend en charge à la fois la prévention, la réadaptation et l'indemnisation. C'est pourquoi, elle promeut des mesures de prévention et de soins préventifs afin d’éviter d’en arriver à la phase indemnisation. Dans la même logique, la priorité est toujours donnée à la meilleure prise en charge médicale des assurés et à leur réinsertion professionnelle et sociale.
Les institutions allemandes d'assurance sociale contre les accidents pour le commerce et l'industrie (incluant BG BAU) et pour le secteur public sont des organismes de droit public sous administration autonome. Leurs affaires sont dirigées par des représentants élus par les employeurs et les employés.
Parcours
Bernd Merz est adjoint au chef de la division Prévention de BG BAU (Berufsgenossenschaft der Bauwirtschaft), l’association d'assurance responsabilité civile des employeurs de l'industrie de la construction. Il a été superviseur de formation, par exemple dans le cadre de la formation des agents de santé et de sécurité.
Avant de rejoindre le BG BAU, Bernd Merz a été chef de projet dans une filiale de la Banque d'État de Bavière. Il était responsable du recyclage de plusieurs aéroports internationaux et parcs d'expositions, ainsi que de la planification, la réalisation et le financement de projets dans le cadre d’un nouveau quartier urbain
à Munich.
De 2006 à 2012,
Bernd Merz a été expert national détaché pour la Commission européenne, DG Entreprises et industrie.
Bernd Merz est titulaire d'un diplôme d’ingénieur universitaire en génie civil. Il a également obtenu des diplômes en commerce et en droit, ainsi que le certificat d’inspecteur technique. En collaboration avec de jeunes développeurs de start-up, il a développé des outils numériques de sécurité au travail avec et sans IA.
Le postulat de base de Vision Zéro affirme que les accidents du travail et les maladies professionnelles ne sont pas une fatalité, ils ont toujours des causes.